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Sainte-Geneviève et le Nord

P

armi les petits plaisirs de notre métier, le rêve reste ce qui, quelles que soient les politiques mises en œuvre, anime et invite les bibliothécaires à agir sans contrepartie. Lieu propice s’il en est aux rêves éveillés, la bibliothèque Sainte-Geneviève compte parmi ses « figures tutélaires » une kyrielle de noms évocateurs des contrées nordiques. De l’archevêque de Lund Absalon (xiie siècle) à la reine Christine de Suède (xviie siècle), généalogie fantasmée par les bibliothécaires d’avant-guerre1 de la BSG, les noms prestigieux ne font guère que contribuer à enluminer une histoire d’amitié entre français et scandinaves autour d’une même passion : le livre.

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Le rêve s’ancre dans une première apparence de réalité avec le frère de Louvois, Charles Maurice Le Tellier, qui lègue par testament sa riche bibliothèque à l’abbaye Sainte-Geneviève en 1710. Évidence des temps, il s’y trouve quelques centaines d’ouvrages des xvie et xviie siècles traitant de l’histoire des «pays septentrionaux2 » et des langues nordiques, des relations de voyages et des recueils de droit scandinave. À ce moment-là, ces 500 volumes ne font pas particulièrement sens parmi les 16 000 cédés à l’Abbaye. Eux aussi, ils participent à l’histoire mythologique de la rencontre entre Sainte-Geneviève et la Scandinavie. Ce n’est qu’un siècle et demi plus tard qu’ils prennent un sens inattendu : Alexandre Dezos de La Roquette, consul de France au Danemark et en Norvège de 1831 à 1840, puis vice-président de la Société de Géographie de Paris, est lié à Ferdinand Denis, administrateur de la BSG, par « une vieille et étroite amitié »3. Son goût pour les pays du Nord l’a poussé à rassembler une collection d’environ 1 500 livres en langue scandinave, en islandais et en norrois, de 37 portefeuilles de notes manuscrites, d’une centaine de cartes géographiques et de plans. Outre sa taille qui en fait dès cette époque un ensemble documentaire unique en France4, sa particularité est

Le passé revisité

d’être un fonds encyclopédique principalement en langue danoise... L’idée de rapprocher ainsi « l’ancien fonds » (entendu les 500 volumes du don Le Tellier) du « nouveau » (la fille d’Alexandre Dezos de la Roquette en fait don à la bibliothèque de Ferdinand Denis en 1868, presque une vingtaine d’années après l’emménagement de la BSG dans le prestigieux et novateur bâtiment rêvé par Henri Labrouste) est à l’origine de la collection scandinave de la bibliothèque Sainte-Geneviève. Que cette origine date finalement de la moitié du xixe siècle n’est pas étonnant et, bien loin de lui en retirer quelque prestige – l’appel aux racines qui s’enfoncent profondément dans l’histoire est une constante des constitutions de collections de tous ordres – , cela lui procure un sens fort qu’elle conservera tout au long du xxe siècle.

Une coopération francoscandinave fructueuse

Initiée sous le signe de l’amitié entre deux voyageurs cultivés, attentifs à réunir des sources documentaires utiles aux chercheurs, la collection scandinave de la BSG traduit, en dehors de son ambition intellectuelle et bibliothéconomique, la volonté de marquer, de manière officielle5, la place prépondérante occupée alors par la Scandinavie dans la vie littéraire et scientifique européenne. C’est ainsi qu’en 1885 Henri Lavoix, alors administrateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève, est chargé d’une mission officielle par le ministre de l’Instruction publique : « resserrer les anciennes relations d’échanges et en nouer de nouvelles » avec la Suède, le Danemark et la Norvège, ce qu’il réalise en leur rendant visite... Cette démarche, prospective et efficace, est à l’origine d’une autre particularité de la collection scandinave de la BSG :

son enrichissement par le biais de dons nordiques massifs, réguliers et officiels. Par ailleurs, elle oriente nettement la collection qui, bien qu’encyclopédique, présentait des lacunes dans le domaine des sciences, de l’art et la littérature contemporaine ; elle devient alors le reflet de l’édition universitaire nordique et surtout de l’actualité éditoriale des pays scandinaves. De généreux donateurs privés se joignent à ce mouvement général, tant du côté scandinave (à noter le directeur de l’Imprimerie royale de Stockholm) que du côté français (comme le baron de Watteville). Néanmoins, rien ne doit faire oublier dans la présence nordique à Paris une volonté commune d’afficher une coopération forte et réciproque dans le domaine culturel et scientifique. Le bureau français des échanges internationaux participe pour une part non négligeable à l’enrichissement de la collection scandinave de la BSG, aidé en cela par l’intérêt éclairé des bibliothécaires, des universitaires et des sociétés savantes scandinaves pour la vie intellectuelle française et par l’action persistante de l’administrateur de la bibliothèque Sainte-Geneviève.

Bibliothèque Sainte-Geneviève 7 www-bsg.univ-paris1.fr Yves Peyré, directeur de la BSG 7 yves.peyre@univ-paris1.fr Florence Leleu, adjointe au directeur 7 leleu@univ-paris1.fr Bibliothèque Nordique - fonds finno-scandinave de la BSG 7 bsgnord@univ-paris1.fr 6 rue Valette 75005 PARIS

rabesques n° 61 janvier - février - mars 2011

Information

De : philippe gassinrss
Ajoutée :23 mars 2011


Tags: test2

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